outubro 17, 2005

SALAMANCA / L'Espagne tente de désamorcer la polémique sur ses relations avec Cuba

SALAMANQUE - Cela se résumerait à une "fausse polémique". C'est ainsi que le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a qualifié, samedi 15 octobre, la controverse provoquée par deux résolutions reprenant des demandes du régime cubain adoptées par les chefs d'Etat et de gouvernement espagnol, portugais et latino-américains, réunis pour leur sommet annuel, à Salamanque, vendredi et samedi.

Les textes demandent la fin du "blocus économique, commercial et financier" imposé par Washington à Cuba et le jugement (et non plus la seule extradition, comme envisagé initialement) de Luis Posada Carriles, incarcéré aux Etats-Unis et accusé d'avoir tué soixante-treize personnes en faisant exploser un avion cubain en 1976.

Lorsque ces deux points avaient filtré dans la presse, l'ambassade américaine à Madrid avait fait part de son "inquiétude", notamment en ce qui concerne l'emploi du mot "blocus" plutôt qu'"embargo". Un diplomate américain avait affirmé qu'il "serait malheureux qu'un tel texte soit interprété comme un appui à la dictature cubaine". Les diplomates espagnols ont répliqué que le terme de "blocus" avait déjà été employé par les Nations unies dans une résolution de 1993. Ils ont rappelé que la condamnation de l'embargo américain contre Cuba est rituelle dans les sommets ibéro-américains. Quant à la seconde résolution, le texte en a été modifié de manière à envisager que M. Posada Carriles puisse être jugé aux Etats-Unis, alternative à son extradition demandée par le Venezuela.

Plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement latino-américains se sont relayés pour défendre devant la presse ces deux résolutions, témoignant ainsi d'une attitude inhabituellement commune face aux Etats-Unis. En se référant à la demande de jugement de M. Posada Carriles, le président socialiste chilien, Ricardo Lagos, a ainsi déclaré : "Nous condamnons quand on attaque les tours jumelles -World Trade Center- à New York, les trains de Madrid ou le métro de Londres, quand on attaque pour freiner le développement touristique à Bali, mais aussi quand on met des bombes dans des avions", a-t-il dit. "Soyons clairs, le terrorisme est pluriel", a ajouté M. Lagos.

RÉACTION AMÉRICAINE

La déclaration relative au "blocus" a aussi été défendue par les plus proches alliés des Etats-Unis en Amérique latine. Le président colombien, Alvaro Uribe, a jugé la querelle "sémantique" et il a ajouté qu'un "pays comme la Colombie doit signer une déclaration sur le terrorisme dans n'importe quel endroit du monde". M. Uribe a obtenu de Cuba et du Venezuela que la résolution reconnaisse que "les groupes armés illégaux" qui opèrent dans son pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN) notamment, commettent des "actes terroristes". La Havane parlait jusqu'alors d'insurgés.

Après que Madrid eut jugé "surprenante" la réaction de l'ambassade américaine, celle-ci a publié un communiqué insistant sur les "relations excellentes et solides" qui lient les deux capitales. Ces relations avaient souffert de la décision de M. Zapatero de retirer les troupes espagnoles d'Irak, dès sa prise de fonctions, en mars 2004. Le président du gouvernement espagnol a pour sa part qualifié ces liens d'"adéquats, corrects et fluides".

Accusé par son opposition d'avoir cédé à Fidel Castro, le chef du gouvernement socialiste a assuré, dimanche, dans un entretien à la radio Cadena Ser, qu'il n'avait jamais eu "la passion, ni l'intérêt, ni l'occasion" de rencontrer le dirigeant cubain, absent de Salamanque. De retour à La Havane, le ministre des affaires étrangères cubain, Felipe Pérez Roque, a qualifié d'"importante victoire politique et diplomatique" pour Cuba le 15e sommet ibéro-américain. [Cécile Chambraud/LE MONDE]