CHINE / On exploite officiellment les travailleurs
A Pékin, un rapport d'Etat dénonce les conditions de travail des salariés du privé
Pierre HASKI Le Monde Pékin
Pierre HASKI Le Monde Pékin
Quatre-vingts pour cent des ouvriers chinois du secteur privé sont exploités et leurs droits sont bafoués : le plus remarquable, dans cette information, est sa source, tout ce qu'il y a de plus officiel en Chine : un rapport présenté hier par le Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire (ANP), le Parlement chinois, qui appelle le gouvernement à faire respecter la loi.
Le rapport, destiné à étudier la mise en oeuvre de la loi du travail de 1995, comporte quelques révélations qui n'en sont guère pour tous ceux qui ont pu parler avec des ouvriers, que ce soit dans les mégapoles industrielles comme Shenzhen ou Dongguan, dans le sud du pays, ou dans les usines du delta du Yang-tsé, où la plupart des créations d'emploi se font dans le secteur privé.
Contrats en blanc. On y «apprend» ainsi que 80 % des ouvriers salariés dans les 2 millions d'entreprises privées du pays ne disposent pas de contrat de travail et sont ainsi à la merci de leurs employeurs, principalement dans le bâtiment, le textile, la restauration. «Les droits légaux des employés sont fréquemment violés dans 80 % des entreprises privées», a sévèrement commenté He Luli, vice-présidente du Comité permanent de l'ANP, auteure du rapport. L'absence de contrat permet notamment aux employeurs d'échapper à leurs responsabilités en cas d'accident du travail ou de licenciement. Elle ne précise pas si les entreprises à capitaux étrangers sont concernées par cette étude, mais c'est vraisemblable.
Dans les 20 % restants, lorsqu'un contrat est signé, il se limite à un an «pour éviter les contraintes légales», précise le rapport. «Certains contrats établissent même que la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée en cas de maladie ou même de mort de ses employés, même si cela se passe sur le lieu de travail.» Selon He Luli, certains employeurs font signer des contrats en blanc à leurs salariés. Elle souligne également que les travailleurs migrants venus de la campagne, soit plus de 100 millions de personnes, sont les plus vulnérables et sont victimes de retards considérables dans le paiement de leurs salaires. Au chapitre des solutions, le rapport se contente d'inciter le gouvernement à faire mieux respecter la loi, notamment à l'aide de pénalités pour les employeurs récalcitrants. Mais le problème de la corruption généralisée de l'administration rend cette mission totalement impossible, les autorités locales ayant généralement partie liée avec les patrons privés de leur région.
Syndicats interdits. Reflétant l'inquiétude croissante d'une partie du pouvoir devant la montée du mécontentement social dans le pays, le rapport fait toutefois l'impasse sur la seule formule qui permettrait de faire respecter les droits des ouvriers et de contourner la corruption des fonctionnaires : l'autorisation de syndicats indépendants et du droit de grève. Le seul syndicat légal est en effet une courroie de transmission du Parti et a une fonction d'encadrement et non de défense des travailleurs.
«La Chine a besoin de vrais syndicats», plaidait récemment, dans une interview à Libération, Han Dongfeng, syndicaliste chinois indépendant mais... exilé à Hongkong. Fondateur du China Labour Bulletin, un centre d'étude de la situation sociale chinoise, il estime que «la manière de faire actuelle ne résout pas les problèmes, elle les aggrave. Aujourd'hui, quand des ouvriers sont en colère, ils n'ont pas d'autre recours que la violence. La Chine est en crise et elle a besoin d'une société civile. Si le gouvernement était intelligent, il encouragerait son émergence pour désamorcer la crise», juge cet exilé qui anime une émission de radio (1) dans laquelle des Chinois appellent gratuitement pour dénoncer le genre de situations et d'abus aujourd'hui décrits dans le rapport de l'ANP.
(1) Sur Radio Free Asia (station financée par les Etats-Unis).
Le rapport, destiné à étudier la mise en oeuvre de la loi du travail de 1995, comporte quelques révélations qui n'en sont guère pour tous ceux qui ont pu parler avec des ouvriers, que ce soit dans les mégapoles industrielles comme Shenzhen ou Dongguan, dans le sud du pays, ou dans les usines du delta du Yang-tsé, où la plupart des créations d'emploi se font dans le secteur privé.
Contrats en blanc. On y «apprend» ainsi que 80 % des ouvriers salariés dans les 2 millions d'entreprises privées du pays ne disposent pas de contrat de travail et sont ainsi à la merci de leurs employeurs, principalement dans le bâtiment, le textile, la restauration. «Les droits légaux des employés sont fréquemment violés dans 80 % des entreprises privées», a sévèrement commenté He Luli, vice-présidente du Comité permanent de l'ANP, auteure du rapport. L'absence de contrat permet notamment aux employeurs d'échapper à leurs responsabilités en cas d'accident du travail ou de licenciement. Elle ne précise pas si les entreprises à capitaux étrangers sont concernées par cette étude, mais c'est vraisemblable.
Dans les 20 % restants, lorsqu'un contrat est signé, il se limite à un an «pour éviter les contraintes légales», précise le rapport. «Certains contrats établissent même que la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée en cas de maladie ou même de mort de ses employés, même si cela se passe sur le lieu de travail.» Selon He Luli, certains employeurs font signer des contrats en blanc à leurs salariés. Elle souligne également que les travailleurs migrants venus de la campagne, soit plus de 100 millions de personnes, sont les plus vulnérables et sont victimes de retards considérables dans le paiement de leurs salaires. Au chapitre des solutions, le rapport se contente d'inciter le gouvernement à faire mieux respecter la loi, notamment à l'aide de pénalités pour les employeurs récalcitrants. Mais le problème de la corruption généralisée de l'administration rend cette mission totalement impossible, les autorités locales ayant généralement partie liée avec les patrons privés de leur région.
Syndicats interdits. Reflétant l'inquiétude croissante d'une partie du pouvoir devant la montée du mécontentement social dans le pays, le rapport fait toutefois l'impasse sur la seule formule qui permettrait de faire respecter les droits des ouvriers et de contourner la corruption des fonctionnaires : l'autorisation de syndicats indépendants et du droit de grève. Le seul syndicat légal est en effet une courroie de transmission du Parti et a une fonction d'encadrement et non de défense des travailleurs.
«La Chine a besoin de vrais syndicats», plaidait récemment, dans une interview à Libération, Han Dongfeng, syndicaliste chinois indépendant mais... exilé à Hongkong. Fondateur du China Labour Bulletin, un centre d'étude de la situation sociale chinoise, il estime que «la manière de faire actuelle ne résout pas les problèmes, elle les aggrave. Aujourd'hui, quand des ouvriers sont en colère, ils n'ont pas d'autre recours que la violence. La Chine est en crise et elle a besoin d'une société civile. Si le gouvernement était intelligent, il encouragerait son émergence pour désamorcer la crise», juge cet exilé qui anime une émission de radio (1) dans laquelle des Chinois appellent gratuitement pour dénoncer le genre de situations et d'abus aujourd'hui décrits dans le rapport de l'ANP.
(1) Sur Radio Free Asia (station financée par les Etats-Unis).
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