outubro 22, 2004

Ces faux maoïstes néerlandais qui ont mystifié Pékin



Bruxelles - Créé dans les années 1970, le Parti communiste marxiste-léniniste néerlandais (MLPN) a, durant dix ans, suivi la "juste ligne", publié un journal (De Kommunist) et distribué à la sortie des usines des tracts appelant à la révolution prolétarienne. Il a, pour soutenir son activité, reçu de l'argent, souvent des dollars venus d'Albanie. Problème : le MLPN, même s'il a compté des membres qui se réunissaient par cellules de quatre, n'a jamais existé. Il était une création des services de la sûreté intérieure néerlandaise (BVD), travaillant en étroite collaboration avec l'antenne de la CIA à La Haye.

C'est Frits Hoekstra, un ancien cadre du BVD, responsable autrefois de la section "communisme", qui a révélé l'affaire dans un livre qui fait sensation. Il n'a pas reçu d'autorisation officielle pour publier ses Mémoires, mais il pense que ces derniers contribueront à améliorer l'image d'une institution qui fut, selon lui, trop souvent dénigrée.

Frits Hoekstra raconte comment Peter Boevé, alias Chris Petersen, secrétaire général du MLPN, a trompé jusqu'aux plus hauts dirigeants chinois. Considéré comme un révolutionnaire irréprochable, seul interlocuteur maoïste néerlandais reconnu, cet ancien enseignant à la barbe noire a été photographié avec tous les responsables qui comptaient à Pékin. Il rentrait généralement par Copenghague, sans que l'on sache si c'était pour y prendre du bon temps ou pour y rencontrer... un agent russe

Trois autres membres des services de Sa Majesté néerlandaise ont été mobilisés pendant dix ans, à plein temps, pour faire vivre le parti dans le cadre du projet baptisé "Mongol ". Ils avaient pour mission, non seulement d'infiltrer les courants d'extrême gauche, mais aussi de déstabiliser le Parti communiste néerlandais "officiel", une formation relativement puissante qui avait choisi la voie politique parlementaire et refusait de trancher entre Moscou et Pékin. Un officier de la CIA avait été spécialement délégué à La Haye pour superviser l'opération.

Combien les "faux maos" ont-ils reçu d'argent ? Hoekstra refuse de le dire précisément, mais ne nie pas que le BVD en a récupéré une bonne partie. On ignore aussi si La Haye a, depuis la sortie du livre, présenté de discrètes excuses à la Chine...

Jean-Pierre Stroobants/LE MONDE